Parfums de France à Hanoï
Par Marie-Noëlle Hervé - Photos Gil Giuglio
LA CAPITALE DU NORD-VIETNAM A SU CONSERVER SA NONCHALANCE, ses airs provinciaux et sa douceur de vivre. Promenade dans une cité millénaire à l'âme bien vivante.
Hanoï. La ville «en deçà du fleuve». Ce fleuve Rouge qui derrière la digue qui retient ses crues folles, dissimule la force de son courant sous la masse liquide de ses flots couleur safran. Lancé au dessus de ses eaux en 1902, le pont Paul-Doumer long de 1680 mètres conçu par Eiffel, devenu l’un des emblèmes de la capitale, affiche un faux air de pont de la rivière Kwaï. Endommagé par les bombardements américains, il n’est plus réservé qu’aux piétons et aux cycles car son tablier trop fragile en exclue désormais la circulation automobile.
A l’inverse de la trépidante Saïgon, Hanoï a su garder sa nonchalance, un petit air provincial et désuet. Ici la vie de rue est un théâtre. Coiffeurs et pédicures opèrent sur le trottoir. De petites cantines ambulantes offrent sur des tabourets de délicieuses soupes et autres plats de nouilles, dont le rituel Pho (prononcer «feu») au bœuf. Infatigables, les femmes vêtues de pantalons noirs et coiffées de chapeaux coniques en feuilles de latanier transportent fruits et légumes sur une palanche portée en équilibre sur l’épaule, tandis des norias de cyclopousses, vespas, et mobylettes hors d’âge sillonnent en flot continu dans un assourdissant concert de klaxons, avenues et rues bordées d’acacias, manguiers et flamboyants.
Hanoï a conservé son visage de l’époque coloniale : l’opéra haussmannien, la cathédrale néo-gothique Saint-Joseph, le bel hôtel Métropole et les anciennes demeures cossues à balcons bâties par les français. Une image de la France qui subsiste, rongée par les moussons et fanée comme une vieille carte postale, mais où se sont transmis dans les habitudes locales des traditions introduites par les Français : l’alphabet latin, le goût pour les balcons chargés de plantes, la baguette de pain et pour les plus âgés le port du béret basque.
Le vieux quartier proche de la cathédrale où se regroupent les corporations autour de la rue de la Soie, et le proche grand marché Dông Xuàn, sont une mine pour de séduisantes trouvailles et bonnes affaires. Ville bucolique parsemée de lacs au bord desquels il fait bon se rafraîchir d’un jus de fruit; avec ses temples et pagodes qui surgissent un peu partout d’îlots de bambous, dont le plus remarquable, le temple de la Littérature fut fondé en 1070 pour enseigner aux fils du roi et des mandarins. Non loin de là, entouré d’une gigantesque esplanade, trône le massif mausolée où repose le corps embaumé de « l’oncle Hô ». Copie conforme de la mise en scène de celui de Lénine à Moscou.
Cent soixante kilomètre à l’est de Hanoï, baignant dans les eaux du golfe du Tonkin, la baie d’Along est un des plus beaux paysage qui existent au monde. Cette œuvre d’art de la nature recouvre un espace de 1553 km2, où semble avoir été jeté à la volée par une main de géant 1969 îles. Halong, en vietnamien, signifie «le dragon descendant». Les roches karstiques qui émergent de l’eau en seraient l’épine dorsale. De la légende à la réalité visuelle le pas est vite franchi. L’atmosphère dans cette baie, où les villages lacustres et fantasmagoriques silhouettes de calcaire couvertes d’une dense végétation naine se mirent dans des eaux couleur céladon, et ajoutent souvent à leur mystère en se drapant dans des voiles de brume, est onirique.