Justement : vaste ruine que je distinguais depuis la rivière, le château de Peyrelade a été formidablement restauré. Solidement imbriquée dans la roche du Causse, cette forteresse surprend avec son rocher-donjon naturel. Elle offre un superbe panorama sur l’entrée des gorges du Tarn, côté Aveyron. Je comprends aujourd’hui pourquoi c’était la balade préférée de mon père. Une balade à laquelle je n’ai jamais voulu l’accompagner : trop haut, trop fatiguant, et bien trop occupée ! Dommage, j’aurais dû…
Gorges du Tarn, souvenirs, souvenirs
Par Nathalie Moreau - Photos Jérôme Aronny
LES GORGES DU TARN NE SONT PLUS CE QU'ELLES ÉTAIENT. D’accord, ses beautés sont toujours là et de nouvelles sont même apparues. Non, c’est le regard posé dessus qui a changé. Vingt ans plus tard, on ne fait pas le même voyage. C’est même ça qui est bien.
Les Gorges du Tarn ? Ah oui, je connais bien, j’y suis allée quand j’étais ado. Vacances en camping avec les parents, premières amours en anglais avec un beau brun hollandais (!) prénommé Johan, premiers feux de camp au bord de la rivière avec, en fond sonore, Joe le taxi sur le radio-cassette, premières fugues hors de la tente pour s’éclipser en discothèque, dernier tournoi de ping-pong remporté avec fierté… Un sentiment de liberté où tout semblait possible. Une époque où l’on s’intéressait plus à la bande de copains qu’à la visite de la région, au grand désespoir des parents. 25 ans plus tard, ou presque, les centres d’intérêt ne sont plus les mêmes, forcément. C’est donc avec une certaine émotion que je redécouvre la région. çà et là, des souvenirs remontent à la surface. Tiens, la discothèque est toujours là, le camping s’est équipé d’une piscine. Le lit de la rivière semble s’être modifié, la plage de galets me semblait plus grande. Mais l’endroit est toujours aussi magique ! Le long du Tarn, les falaises de calcaire dressent leurs parois abruptes. Les canoës et les kayaks descendent le courant. Allez, pagayez ! Un peu plus loin, vous atteindrez ce que l’on appelait les « grands rapides ». Rien à voir avec les chutes du Grand Canyon, juste un endroit où le courant est un peu plus fort. On exagère tout quand on est gosse !
Jetez un œil sur votre gauche. Derrière la végétation et des filets d’eau se cache une petite grotte, surnommée le paradis. Mais chut, n’en parlez à personne. C’est une endroit secret, où les enfants s’échangent leurs premiers baisers et se promettent de s’aimer toute la vie. Plus haut, je reconnais l’endroit où ma mère s’asseyait dans 30 cm d’eau. Juste là où le courant est ralenti par les cailloux. C’était son espace balnéo naturel, disait-elle…
Au fil des bourgs, des villages et des hameaux, le Tarn déploie plus d’une cinquantaine de kilomètres de méandres bien dessinés et révèle une succession de défilés, de cirques et de chaos rocheux. Sur les hauteurs, des jardins suspendus, des maisons en surplomb, des châteaux en ruine ou restaurés.
Sur les hauteurs des gorges du Tarn, à 1 000 m d’altitude, on découvre l’univers des causses. Le causse Méjean ouvre sur une vaste steppe d’herbe jaune, fascinante comme peuvent l’être les déserts. Aucun cours d’eau permanent ne circule à la surface des plateaux.
L’eau de pluie rejoint les vastes réseaux karstiques pour ressurgir dans les vallées. L’imagination dérive et on se prend à rêver à d’autres horizons, galopant à cru sur un magnifique cheval (on y croise ceux de Przewalski). Les steppes de Mongolie ne sont pas loin… Les paysages, parsemés de hameaux aux toits de lauzes typiques et d’abris pour les bergers, ondulent à l’infini.