Au fil des cafés viennois
Par Marion Tours
PASSÉ SES MONUMENTS EMBLÉMATIQUES, LA CAPITALE AUTRICHIENNE OFFRE, aux détours de ses ruelles et de ses quartiers, d'innombrables cafés où il fait bon partager le quotidien des viennois.
Êtes-vous Moka, Espresso ou Capuccino ? Si la question ne vous avait pas encore traversé l’esprit, elle s’imposera aussitôt que vous serez installé dans l’un des innombrables cafés qui jalonnent la
capitale autrichienne. Lieux de vie, les célèbres « kaffeehaus » (maisons du café) sont, depuis la fin du XVIIIe siècle, l’apanage de tous les Viennois. Un second chez soi où l’on vient lire le journal, jouer au bridge ou au billard, regarder un match de foot, passer l’après-midi en famille, ou déguster une part de la traditionnelle sachertorte (voir encadré)… dans une atmosphère chaleureuse, feutrée et surannée. « Seul ou accompagné, on s’y sent comme à la maison, raconte Inès qui fait régulièrement l’aller retour entre Vienne et Paris. On peut y passer la journée, sans que personn ne vienne nous déranger. Et puis, c’est l’un des derniers endroits où l’on peut fumer librement ! » Avec plus de 600 établissements parsemés de part et d’autre de la cité, impossible de ne pas trouver son café.
Chic, tradi, gay friendly ou branché : à chacun sa déco, son histoire et ses habitués. Artistes et littéraires au néoclassique Sperl, installé depuis plus d’un siècle près de l’Opéra ; écrivains et mélomanes au confidentiel Bräunerhof, non loin de la Josefs-platz ; journalistes et étudiants au , près du Ring (boulevard périphérique) ; intellectuels et expatriés au mythique Hawelka situé à deux pas de la cathédrale Stephansdom et dont le charme bohème, patiné et enfumé enchante les voyageurs. Bref, un florilège d’univers mais toujours un même rituel : des serveurs en smoking et des cafés présentés sur un plateau d’argent. Avec en agrément : chaises Thonet, tables de bistrot, tissus défraîchis et lustres suspendus.
Des codes intemporels dont les illustres kaffeehaus du centre-ville peinent parfois à s’affranchir. Ainsi, le Museum, décoré en 1899 par Adolf Loos, s’est-il vu complètement déserté une fois ses banquettes supprimées. Sérieuse déconfiture également pour le Central (ancien QG de l’intelligentsia viennoise), dont la nouvelle climatisation a refroidi ses habitués. Quant au Griensteildl, les travaux engagés, en 1995, n’ont pas eu l’effet escompté. « Trop neuf ! », décrièrent alors les clients. Il leur faudra près d’une décennie avant de réinvestir l’endroit. Mais l’exemple l plus flagrant reste celui de l’Engländer qui, face au flop retentissant de sa nouvelle déco, a fait volte-face en réintégrant son style d’antan… « Pour être accepté, un café doit avoir vécu », insiste Gabriela, qui assure des visites guidées de la cité.
Conservateurs les viennois ? « Certes, tempère Inès, nous sommes attachés à nos vieux cafés. Mais nous apprécions aussi les enseignes récentes, plus tendance. » Une floppée d’établissements « Nouvelle Génération » a fleurit çà et là. Finies les fioritures baroques et les ambiances un peu vieillottes. Place aux lignes épurées et au mobilier ultra moderne. Dernier en date, près du marché bobo de Naschmarkt : le célèbre Drechsler, entièrement revisité par le designer anglais Sir Terence Conran. En quelques mois, l’échoppe un brin négligée s’est muée en un lieu raffiné où se côtoient maraîchers et jeunesse branchée. Belle réussite également pour les serres de la Hofburg (palais des Habsbourg) qui accueillent, sous de grandes verrières, la Palmenhaus, un café Arts déco installé au milieu des palmiers et des bananiers avec - comble du chic- la grande terrasse ouverte, en été, sur les jardins de l’Empereur. Idéal pour observer le quotidien des Viennois. Ne dit-on pas que, dans les cafés, l’important est de « voir et d’être vu » ?